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Design actif, aménager pour faire bouger

Design actif, aménager pour faire bouger

Design actif, aménager pour faire bouger

Le design actif consiste à aménager l’espace public afin d’encourager la mobilité et l’activité physique de manière spontanée et libre. Un outil essentiel dont se saisissent les collectivités pour lutter contre la sédentarité et l’obésité tout en dynamisant les quartiers.

Article extrait du magazine Projet Paysage(s), novembre 2022

Affolant. Savez-vous qu’en près de 40 ans, les collégiens (9-16 ans) ont perdu environ 25 % de leur capacité physique1, que 95 % de la population française est exposé à un risque de détérioration de la santé par manque d’activité physique ou excès de sédentarité2, que 18 % des petits français de 2 à 7 ans sont obèses (22 % des adultes)3… Alors non seulement ces populations s’exposent à des maladies chroniques sévères, mais les Etats devront payer la facture. D’après une récente étude4, le taux d’obésité coûtera à l’économie mondiale 3,3 % de son PIB en 2060 (2,2 % à l’heure actuelle). Et la France ne fera pas exception. Autant agir dès à présent. En effet, si l’implication individuelle et une alimentation saine constituent les clés du changement, les collectivités peuvent agir rapidement en déployant une stratégie accessible et efficace : le design actif, qui consiste à faire bouger tous les citadins, quels qu’ils soient, par des aménagements pertinents.

Plus de 75 % des français y sont favorables, tandis que 41 % déclarent que le design actif est une opportunité pour améliorer le cadre de vie de leur ville5. Il n’y a donc pas à hésiter !

PILIERS CONCEPTUELS

Le design actif repose sur 5 piliers fondamentaux : la libre utilisation des équipements installés, la mixité et l’inclusion, l’incitation à l’activité physique, la facilité d’utilisation et d’appropriation, et enfin, la qualité urbaine (source d’attractivité). “Par un savan dosage d’éléments visuels, le design actif permet d’attirer le regard, d’intriguer tout en poussant à bouger, sans contraindre. Il est nécessaire, pour que cette méthode soit efficace, de susciter l’envie spontanée de retourner sur l’aménagement, que ce ne soit pas éphémère” cadre Carole Marcou, co-gérante de l’entreprise Pro Urba, spécialisée dans les aires de jeux et le mobilier urbain.

Concrètement, dans l’espace public, cela passe par la piétonisation des quartiers, la végétalisation des rues, la création de pistes cyclables et d’aires de jeux, l’installation de signalétiques, le réaménagement des cours d’écoles, la mise en valeur du patrimoine… Cependant, il n’est pas nécessaire de s’engager dans de lourds travaux.

“Les collectivités n’ont pas forcément la place disponible (ni les budgets) pour construire de nouveaux équipements. Elles peuvent en revanche transformer les lieux pour modifier les usages”

déclare Nicolas Lovera, CEO de Playgones, une société également experte dans la création d’aires de jeux et d’espaces sportifs. Toute la question est : comment ? Tout simplement en travaillant les sols, en changeant le mobilier urbain, en appliquant des couleurs dont les teintes séduisent les jeunes citadins… Attention toutefois à ne pas confondre art urbain et design actif. Si ces deux notions cohabitent et se complètent, leurs objectifs diffèrent.

via ferrata sur le mur d'une école de Saint-Dizier. Réalisation : Playgones
Via ferrata sur le mur d'une école de Saint-Dizier. Réalisation : Playgones
escalier design actif à Saint-Dizier
Escalier sur le parcours Design Actif, ville de Saint-Dizier à Saint-Dizier , Réalisation : Playgones

INCITER LES CITADINS À LA PRATIQUE SPORTIVE

Gilles Champel, responsable sport et innovation chez Pro Urba, insiste sur le point suivant : “il est important de garder en tête que les aménagements en design actif doivent être réplicables et faciles à mettre en place, sans dénaturer l’espace public. En effet, les parcours envisagés doivent se montrer plus sobres en énergie, en matériaux”. L’incitation à la pratique sportive pour tous implique également le recours à un fil conducteur, commun à l’ensemble des aménagements proposés. “Il faut proposer un parcours cohérent qui respecte les lieux, les usages et les usagers” souligne-t-il. Par ailleurs, les espaces publics n’étant pas extensibles, les concepteurs doivent imaginer des espaces hybrides, répondant à des usages multiples, et d’anticiper les nouvelles pratiques de mobilité, toujours dans une volonté de rendre les aménagements pérennes et utiles à tous. “Il faut être en mesure de corréler l’espace aux différentes pratiques et de proposer des configurations adaptées, soit par le relief offrant des dispositions attractives pour bouger, soit par des équipements détournables mais prédisposés dès leur conception à recevoir certaines pratiques, ou le mélange des deux” développe le responsable.

DES QUARTIERS DYNAMIQUES Au-delà des problématiques de santé publique auxquelles le design actif répond, celui-ci s’avère aussi très convaincant pour dynamiser des quartiers, notamment ceux habités par des citadins souvent éloignés de la pratique sportive. “Le design actif permet d’animer la ville en la rendant plus visible, plus attractive, plus lisible, tout en renforçant le lien entre les citadins quels que soient leur âge, sexe, origine” rappelle Carole Marcou. Si bien que là où la ville aménage selon le principe du design actif, les populations se réapproprient l’espace public, se rencontrent, découvrent le patrimoine existant, bougent… Pour beaucoup de maîtres d’ouvrage, avec le concours des aménageurs et concepteurs de l’espace public, le design actif réinvente la ville, quitte à changer radicalement d’ambiance sur certains sites. Aux professionnels de l’aménagement de s’approprier ce dispositif pour imaginer des villes plus belles, plus attractives, plus sportives ! n 1 Publications de Grant Tomkinson, University of South Australia, 2013.

2 Anses, 2022.
3 OMS (Organisation Mondiale pour la Santé).
4 Publications dans la revue BMJ Global Health.
5 Etude Sport dans la Ville, réalisée pour label ‘Ville active et sportive’, 2022.

Des villes pilotes l’expérimentent

Six territoires-pilotes, soutenus par le programme ‘Action Cœur de Ville’ de l’Agence Nationale de Cohérence des Territoires (ANCV) et Paris 2024 à travers son label ‘Terre de Jeux 2024’ ont lancé leur expérimentation sur le design actif. Tous ont bénéficié d’un accompagnement sur mesure, notamment celui de la Cité du Design de Saint-Etienne, il s’agit de Bourges (18), Châtellerault (86), Limoges (87), Plaine Commune (93), Saint-Dizier (52) et Saint-Omer (62).

– La Ville de Châtellerault avait un objectif précis : (re)découvrir la ville grâce à un cheminement doux reliant la gare au centre piétonnier, valorisant ainsi le patrimoine et les bienfaits de la marche. “L’aménagement se veut réfléchi, coloré et efficace” indique Cécile Champagne, chef de projets Action cœur de ville à l’Agglomération de Grand Châtellerault. En effet, alors que des trottoirs existant sont élargis, des peintures au sol animent les lieux. Tel un parcours ludique, en ville se succèdent : des empreintes de pas indiquent où circuler, des motifs ‘splash’ autour de la fontaine incitent les passants à se diriger vers elle, une marelle en forme de montgolfière, un mobilier urbain en forme de hamac et de planche de paddle… Résultat : “avec ce projet, on a réussi à ‘capter’ les enfants, et donc les parents” constate-t-elle. Coût de l’opération pour la Ville : 15 540 euros TTC. “Désormais, le design actif est inclus dans tous nos projets”. – Limoges (87), la ville à la campagne. En requalifiant ses espaces publics en centre-urbain, la Ville de Limoges a deux ambitions : végétaliser davantage, “en écho à son statut de ‘grande ville à la campagne’, et affirmer le cœur de ville comme lieu de vie” précise Philippe Pradon, directeur des sports à la Ville. En cours de piétonisation, l’axe Jean Jaurès accueillera des espaces de végétalisation, se parera de différents marquages au sol et s’équipera de mobiliers urbains, tantôt classiques aux couleurs de Paris 2024 ou contemporains en fonction des contraintes urbanistiques. A l’exemple des banquettes en céramique créées par le designer Marc Aurel qui seront intégrer dans un parcours, et sur lesquelles les citadins peuvent se reposer et les joggers s’étirer. De nouveaux espaces sportifs sont en cours de réflexion : terrain de basket 3 x 3, terrains de pétanque, tables de ping-pong en extérieur… A l’échelle de la ville, les travaux de la ‘diagonale du sport’, qui la traversera du nord au sud, seront livrés au cours du premier semestre 2023. Enfin, les nouveaux bords de Vienne, qui feront l’objet d’une réhabilitation totale, accueilleront des vergers, des spots sportifs à l’horizon 2023-2024…

Les facteurs de réussite

Pour déployer le design actif dans l’espace urbain, le Guide du design actif (édité par l’Agence Nationale de Cohésion des Territoires et le label Terre de jeux 2024) définit huit étapes clés :

– définition des objectifs : identifier les intérêts du déploiement du design actif afin de mettre en place une politique cohérente entre les différents services d’une collectivité (urbanisme, espaces verts, jeunesse et sports…) ;

– identification des publics visés en analysant la fréquentation des lieux, en réalisant des diagnostics usagers, en organisant des rencontres avec les associations du territoire… ;

– détermination des lieux et temporalité : savoir où déployer le design actif, à quelle échelle (rue, quartier, ville), pour combien de temps (vocation saisonnière ou pérenne), et se saisir de l’opportunité d’un aménagement pour le mettre en réseau avec d’autres via des trames et parcours urbains ;

– pré-identification des dispositifs existants : définir ceux qui sont les plus pertinents au regard des objectifs, qu’ils soient ponctuels ou intégrés dans un nouveau projet, sélectionner des exemples inspirants… ;

– implication des usagers pour approfondir les besoins, les aménagements les plus pertinents… en réalisant des diagnostics avec les citadins, complétés éventuellement par des méthodes de co-conception. Il s’agit aussi de mobiliser ‘l’expertise d’usage’ portée par des habitants, des associations, des professionnels du sport… ;

– dimensionnement des aménagements : après obtention de subventions (DSIL, DETR) et approbation des budgets, cette étape consiste à définir les caractéristiques du projet (peinture, signalétique, mobilier urbain, jeux…), les impératifs environnementaux (dans une logique d’économie circulaire notamment) et les obligations d’entretien ;

– animation des lieux : pour certains équipements, notamment sportifs, l’implication de professionnels (coach, associations…) améliore la visibilité de l’aménagement réalisé, dynamise l’espace et régule la fréquentation ;

– suivi de l’aménagement et systématisation du design actif aux projets, afin de répondre aux besoins initiaux.

Projet Paysages magazine
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